L'îlot fiscal helvétique dans le collimateur des fonctionnaires européens

Publié le par Sandra Dondenne

Zoug, un canton suisse pas comme les autres. Un peu plus de 100 mille habitants, de vertes prairies et un taux d'imposition du capital des sociétés holdings à 0,02 pour mille. L'un des paradis fiscaux helvétiques dont l'Union Européenne aimerait se débarrasser au plus vite. Depuis une semaine, la « guerre fiscale » est déclarée entre la Suisse et l'Union, pour qui les privilèges fiscaux accordés aux entreprises par des cantons comme Zoug constituent une concurrence déloyale et insoutenable.

Mardi 13 février, la commission européenne adressait donc à l'exécutif suisse une sorte de dernier avertissement. Le collège des commissaires considère dans un communiqué que les régimes d'imposition appliqués dans certains cantons violent l'accord commercial signé en 1972 avec la Suisse. L'exécutif européen a également pris l'initiative de demander aux Etats membres l'ouverture d'un mandat de négociations. Cette « volonté d'harmonisation » à Bruxelles n'est pas nouvelle : depuis 2005, l'UE rappelle la Suisse à l'ordre. Il est question de mettre fin aux privilèges fiscaux accordés aux multinationales qui réalisent des profits à l'étranger tout en établissant leur siège social dans les paradis fiscaux helvétiques.

Une atteinte à l'identité suisse

Alors que la superficie de la Suisse se noie dans celle de l'UE qui lui est plus de 96 fois supérieure, cet îlot de « neutralité » politique et d'indépendance financière a de quoi exaspérer son voisin. Si de forts liens commerciaux et culturels ont été tissés avec l'UE, les helvètes ont jusqu'à présent toujours regardé l'Europe avec méfiance. Ainsi l'adhésion fut plusieurs fois rejetée, ressentie comme une perte de cette espèce d'imperceptible spécificité politique, historique et culturelle qui fait la Suisse. Multilingue, fonctionnant sur le principe de la démocratie directe assorti d'un système fédéraliste hautement complexe, la Confédération est porteuse d'une identité très particulière, que certains ont peur de voir disparaître face aux exigences de l'UE. Malgré les polémiques qu'ils suscitent à Bruxelles, le secret bancaire et les paradis fiscaux font partie de l'image de la Suisse. Au moins autant que le chocolat. La commission européenne considère pourtant que les taux très bas d'imposition accordés aux sociétés qui réalisent leurs profits à l'étranger constituent un coup de pouce étatique antagoniste avec l'accord de libre échange signé il y a 35 ans entre la Suisse et l'UE. Alors que la querelle sur les taux d'impositions différenciés et inéquitables divise les cantons helvétiques eux-mêmes depuis plusieurs années, la décision européenne est ressentie unanimement comme une attaque à la « suissitude » et réveille ainsi beaucoup de craintes vis-à-vis de l'UE. En faisant pression sur la Confédération comme elle a l'habitude de le faire avec les Etats membres, la commission européenne ne fait que renforcer la défiance à l'égard de l'UE qui, estime-t-on à l'Association pour une Suisse indépendante et neutre, fait preuve d'une « ingérence arrogante et antidémocratique ».

Bruxelles aiguise ses armes

Malgré les risques de détérioration du climat entre Suisses et Européens, l'exécutif à Bruxelles semble déterminé : en octobre 2006 était désigné le premier représentant de l'UE auprès de la Confédération helvétique. Michael Reiterer, diplomate autrichien qui vient de faire ses armes à Tokyo, aura pour mission dès le 15 mars de définir une base de travail et une stratégie communes. Il a par ailleurs déjà présenté le désaccord fiscal comme l'un des grands chantiers de négociations entre la Suisse et l'UE. La commission européenne compte bien se faire entendre à Berne, tandis que les organisations économiques suisses et les directeurs financiers cantonaux font déjà bloc contre la décision prise la semaine dernière à Bruxelles.

Pour plus d'informations consulter le site www.swissinfo.org

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